LE PROCESSUS DE REECRITURE

LE PROCESSUS DE REECRITURE

Cela a été un véritable bouleversement, au moment de l’élaboration de ma thèse, de découvrir des façons de construire – grâce au recours à l’écriture créative – un cheminement permettant d’aboutir à un texte académique totalement finalisé. Certes, de l’écriture créative à la finalisation des quelque six cents pages d’une thèse de doctorat, de nombreuses étapes doivent être franchies. Joan Bolker, dans un ouvrage devenu un texte de référence dans le milieu universitaire anglophone, recommande de commencer par des exercices de free writing. Cette écriture libre permet de constituer, au fil des jours, ce qu’elle appelle un « jet zéro »[1], avant même d’accéder à un premier jet. Ensuite, ce premier jet doit être retravaillé. Cette méthode aide à dédramatiser le processus de rédaction d’un mémoire dont la longueur peut sembler décourageante. L’utilisation d’activités d’écriture créative permet la constitution d’une matrice textuelle, laquelle peut ensuite être façonnée vers la production de l’objet texte de notre choix, essai ou fiction.

Dans ce processus, il est important de souligner la nécessité et l’importance du travail de réécriture. Ce qui est le plus souvent élaboré dans le cadre d’un atelier d’écriture, c’est en fait non seulement un premier jet, mais encore une série de courts textes. Pour passer à l’élaboration d’une œuvre, quelle qu’elle soit, il faut passer par toutes sortes d’étapes. À partir du deuxième jet et au-delà, s’installe toute une autre démarche de révision. L’enjeu à cette étape-là du travail est à l’inverse de celui du début : il s’agit d’accepter de délaisser l’aisance qu’on a eue dans le processus – l’expérience de l’écriture comme une catharsis heureuse – pour s’attacher résolument à la production du produit final. Joan Bolker l’explique : « When you revise, imagine yourself as a reader, instead of the writer, and ask yourself, “Does this make sense to me?” But you are a very privileged reader, because if you don’t like what you see or hear you can change it » (Bolker, op. cit., p. 118)[2].

[1] “The zero draft is the point where it becomes possible to imagine, or discern, a shape to your material, to see the method in your madness”. Joan Bolker, Writing Your Dissertation in Fifteen Minutes a Day, A Guide to Starting, Revising, and Finishing Your Doctoral Thesis. New York: Henry Holt and Company Publishers, 1998, p. 50.

[2] « Quand vous êtes dans la phase de réécriture de votre texte, imaginez que vous n’en êtes pas l’auteur – que vous êtes un simple lecteur – et posez-vous la question suivante : « Ce texte fait-il sens pour moi ? » Mais vous êtes un lecteur dans une situation tout à fait privilégiée, car si ce que vous lisez ne vous convient pas, vous êtes en mesure d’y apporter des modifications. » (Ma traduction).

Pour retrouver cet article dans son intégralité : Pascale Denance, « Ecriture créative : une approche du rapport dialectique entre théorie et praxis », in Les écritures créatives : représentations contemporaines et enjeux professionnels, sous la direction de Dominique Ulma, Anne Pauzet et Anne Prouteau, Presses Universitaires de Rennes, 2022.