BLUE BIKE REVISITED : 2ème PARTIE

 

En rentrant, elle raconte à Yodi qu’elle est allée voir une thérapeute d’un genre un peu particulier.
– Comment ça, « d’un genre un peu particulier » ? interroge Yodi d’un air suspicieux.
– Elle est « unicologue ».
What ? vocifère Yodi, qui a tendance à recourir à l’anglais quand il se sent un peu dépassé…
– Son travail, c’est d’aider chaque individu à se rendre compte qu’il ou elle est unique. Je lui ai avoué que je m’étais toujours crue différente. « Détrompez-vous », m’a-t-elle dit, « ce n’est pas le concept de « différence » qui est signifiant, mais celui de « diversité ». Vous êtes comme tout le monde, c’est-à-dire unique !

Natacha tombe dans une rêverie, que Yodi interrompt, impatient :
– Et… ?
– Elle m’a demandé de raconter mon rêve d’enfant…

– Tu lui as lu ton poème “BLUE BIKE” ?

Natacha hoche la tête.

– Puis elle m’a congédiée sans autre forme de procès…
– Sans faire aucun commentaire ?
– Non.
– Sans prendre rendez-vous pour une autre séance ?
– Non.
– C’est peut-être pour ça, en fait, qu’elle s’appelle unicologue, parce qu’elle ne fait jamais qu’une seule séance…
– Très drôle !

Un temps…

– Il y avait une licorne au fond du jardin…
– And you… you didn’t have to pay anything? demande Yodi (toujours pragmatique), sans relever la mention de la licorne.

Après une deuxième visite, Natacha est en mesure d’expliquer à Yodi que c’était la première séance qui était gratuite, tout simplement… et que l’animal fantastique au fond du jardin, c’était en fait un poulain – déguisé en licorne par le truchement d’une corne dorée et d’une longue queue blanche de papier crépon, en vue d’un atelier de créativité pour enfants.
– Et alors ? demande Yodi, qui a besoin de résultats concrets.
– Cette fois-ci, il a été question de licornes, justement.

Ignorant totalement l’air abasourdi de Yodi, qui semble mettre en doute sa santé mentale, Natacha continue :
– Elle m’a dit que ce sont des créatures anciennes d’une très grande sagesse, comme les centaures. Certes, elles n’existent pas vraiment en dehors des légendes, mais elles existent pour de vrai – dans les légendes. Elle m’a dit aussi que suite à l’accident de mon amie, une faille s’était ouverte en moi à nouveau, mais que j’étais dotée de la faculté de résilience et que mon roman était mon meilleur thérapeute. Et elle a conclu : « Cette deuxième séance est donc aussi la dernière ».
– En plaisantant sur le fait qu’elle ne proposait qu’une séance, je n’étais donc pas si loin du compte !
– Ce n’est pas faux ! Elle m’a quittée sur une citation de Jung : « Et si les plus grandes déchirures étaient aussi les plus grandes ouvertures ? »