Et PUIS UN JOUR…

Et PUIS UN JOUR…

Ça vous prend aux tripes et puis ça ne vous lâche plus, ça vous suit partout.

« Pourquoi moi ? » gueulez-vous mais il est trop tard, personne ne vous écoute…
Du centre de ce Maelström,
Les terreurs de votre vie ancienne
Vous paraissent presque mesquines.

Vous pouvez bien sangloter
Et appeler,
Personne ne vous entend.
Parfois, machination sadique,

On vous accorde l’illusion de toucher terre,
On vous laisse respirer…
Vous sentez le passage apaisant
De l’air dans vos poumons,

Vous sentez quelques muscles se relâcher,
Votre douleur – l’espace d’un instant – se fait moins âpre.
Et puis tout recommence avec une intensité mauvaise,
Le bruit, le vent, la fureur.

Vous êtes dehors, au milieu de la tempête,
Vous avez faim, vous avez froid
Vous allez mourir, seul.e –
A jamais seul.e

Et l’eau et le vent grondent ensemble
Que c’est toujours le cas :
On naît – on meurt ainsi
Et on occupe le temps et l’espace entre les deux…

Avec ces choses qui viennent de l’inconscient
Qui empêchent de dormir la nuit
Mais pas de rêver des horreurs –
Toutes ces choses qui torturent, qui triturent l’esprit

Qui vous jettent toujours sur le même mur,
Fraîchement peint à la chaux,
Sans laisser de marques toutefois –
Comme les coups qu’on a reçus dans son enfance
                                                                                  S’ils ont été astucieusement portés
La blessure saigne toujours des années plus tard
Mais c’est à l’intérieur.
Pas d’empreintes, pas de victime
Le crime parfait.

Et pourtant je laissais des traces derrière moi,
De mucus, de venin et de sang mêlés,
Même si personne ne comprenait rien à la souffrance
Qui tordait mon corps et ma vie…

Et puis un jour je suis sortie de l’enfer.

Oh, pas tout de suite, pas d’un coup, non… Cela s’est fait graduellement, très graduellement. Lentement, mais sûrement, mon soleil s’est éclairci, les nuages autour se sont faits plus doux, la brume plus légère, le chemin moins pierreux… Changements imperceptibles au début – ou était-ce plutôt moi qui restais insensible à ces nouveaux développements, car je portais encore l’enfer en moi ? On m’appelait Cosette, j’ai trouvé un autre nom en cheminant à tes côtés… Ma main posée dans la tienne, je suis redevenue l’enfant heureuse que je n’aurais jamais dû cesser d’être. Insensiblement l’enfer a semblé appartenir à une autre vie, et peut-être était-ce le cas… On ne peut juger de son fardeau à l’aune de celui du voisinage… Un fardeau que l’on porte longtemps, aussi longtemps qu’il reste lourd.

Et il reste lourd aussi longtemps qu’on le porte…

J’ai laissé l’enfer derrière moi, je ne l’ai pas compris tout de suite. Cela fait quelques siècles déjà, ou peut-être davantage. Je ne m’en soucie plus. Quelques gouttes de rosée suffisent à m’enivrer, et quelques vers de terre, à me divertir. Ce sont peut-être même quelques vers de ciel que je vois frétiller chaque matin dans le grand livre sublime d’Alice, ce Wonderland qui sans cesse offre de nouvelles pages – auquel j’ajoute jour après jour quelques lignes de mon cru…